LES CATACOMBES DE PARISLes catacombes de Paris peuvent être considérées comme un projet d'aménagement urbain. Leur création est liée à l'insalubrité des cimetières parisiens au XVIIIe siècle, et plus particulièrement celui des Saints Innocents, qui pousse les autorités à réformer les pratiques funéraires en vigueur à l'époque. Le cimetière se situait entre les rues St Denis, de la Lingerie, de la Ferronnerie et Berger.
Le quartier des Innocents, Paris (Extrait du plan de Truschet, 1551)
C'est dans le cimetière des Saints-Innocents que pendant plus de 10 siècles furent enterrées les dépouilles de 22 paroisses parisiennes, ainsi que les morts de l'Hôtel-Dieu et de la morgue. Il y avait tellement de morts sous la terre de ce cimetière qu'au XVIIIe siècle le sol était rehaussé de plus de 2m50 par rapport au niveau de la rue. Dès 1554 les médecins de la faculté de Paris s'étaient élevés, en vain, contre l'insalubrité du lieu ainsi que contre les risques d'épidémie qui guettaient la population Parisienne. En 1737, l'Académie Royale des sciences confirme les craintes formulées quelques 200 ans plus tôt. Les plaintes des riverains s'ajoutent les unes aux autres. Le cimetière était entouré d'immenses charniers issus de la fouille des terres lors de l'ouverture de nouvelles fosses communes. De plus, à ces nuisances il faut ajouter les déchets divers qui étaient déversés chaque jour par les habitants des maisons voisines dans une rigole longeant le cimetière.
Le cimetière vers 1550 (gravure de F. Hoffbauer, fin XIXe)
En février 1780, le mur d'une cave accolée au cimetière se trouvant rue de la Lingerie, céda sous la poussée d'une fosse commune aménagée en hâte. Cet incident fut l'incident de trop. Cette année là la fermeture du cimetière des Saints-Innocents fût décidée.
Mis à part la volonté d'en finir avec les nuisances du cimetière une autre raison déclencha la fermeture de ce lieu de repos éternel. Paris manque à cette époque d'emplacements pour l'installation des marchés et celui des Halles venait buter sur l'enceinte du cimetière. Au final on peut imaginer l'insalubrité et l'odeur pestilentielle d'un lieu où se mélangent les effluves de la chair en décomposition ainsi que ceux de la nourriture entreposée pour le marché.
Hague d'ossements, musée des Catacombes, Paris (photo
Nexus)
En 1780, le préfet de police Lenoir, envisagea le déménagement des ossements des Innocents dans les anciennes carrières de la Tombe Issoire, sous la plaine de Montrouge. Le successeur de Lenoir, Thiroux de Crosne conserva cette idée et chargea l'inspecteur général des carrières, Charles Axel Guillaumot, des aménagements et consolidations nécessaires du site. Un arrêt du conseil d'état du 9 novembre 1785 décide la suppression officielle et l'évacuation du cimetière des Innocents, ainsi que de sa transformation en marché public.
En référence aux catacombes de Rome, les vastes carrières de la Tombe-Issoire qui allaient recevoir les ossements des Saints-Innocents, furent aussi baptisées catacombes bien que ce lieu n'ait jamais servi de refuge ou de lieu de sépulture directe.
Les catacombes furent consacrées le 7 avril 1786 et le transfert des corps débuta suivant un rituel religieux très solennel. A la nuit tombée, des chars funéraires recouverts de draps noirs, accompagnés de porteurs de torches et de prêtres chantant l'office des morts, prenaient la direction d'un puits de service des carrières de la Tombe-Issoire pour y déverser leur chargement d'ossements. A l'exemple du cimetière des Saints-Innocents, entre 1787 et 1814, les autres cimetières parisiens accolés aux églises furent eux aussi vidés et déversés dans le nouvel ossuaire municipal. Ainsi furent délocalisés les morts de Saint-Nicolas-Des-Champs, Sainte-Croix-de-la-Bretonnerie, Saint-André-des-Arts, Saint-Eustache, Saint-Landry, la Trinité, les cimetières de l'île St-Louis,...
Alignements de crânes, musée des Catacombes, Paris (photo
Nexus)
Au final, plus de 6 millions de corps furent exhumés et transférés dans les carrières de la Tombe-Issoire au cours de la suppression progressive des cimetières parisiens de l'époque. Les dépouilles d'inconnus côtoient celles de personnages célèbres de l'histoire : Guillaumot, 1er inspecteur général des carrières, décédé en 1807, Nicolas Fouquet surintendant des finances sous Louis XIV, Colbert, Danton, Camille Desmoulins, Robespierre, Lavoisier, Charles Perrault le fabuliste, les corps des personnes exécutées entre 1792 et 1794 au Carrousel ou place de la Concorde dont Charlotte Corday, Jean-Baptiste Lully, François Rabelais, François Mansart, l'Homme au masque de Fer, Racine, Blaise Pascal, Marat, Montesquieu, ...
Sommet d'une hague d'ossements, musée des Catacombes, Paris
(photo
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L'aménagement de l'ossuaire fut confié à l'inspecteur général des carrières Héricart de Thury. Les galeries de l'ossuaire furent aménagées par la technique des hagues et bourrages d'ossements. Le tout fut décoré de façon très sobre sans presque aucun symbole religieux. Il faut noter cependant la présence de croix, certaines faites de crânes alignés, de larmes, symboles de deuil mais également symbole maçonnique, ainsi que d'obélisques noirs et blancs, autres symboles maçonniques. De nombreux extraits de poèmes macabres ou citations de la littérature sacrée ornent également le lieu. Tel le "Arrête, c'est ici l'empire de la mort" avertissement sur le fronton de l'entrée de l'ossuaire.
Source :
http://www.catacombes.info/histoire/index.php?subCAT=2